Le maillot de foot, autrefois cantonné aux stades, est devenu un vêtement à part entière, prisé des supporteur·ices, des influenceur·ses ou des collectionneur·ses. Fruit d’une stratégie marketing orchestrée par les clubs et les équipementiers, cette diffusion massive n’est pas toujours pour plaire aux gardiens du temple footballistique.
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On peut l’enfiler pour aller au supermarché, à la banque, à la fac ou au théâtre. Autrefois cantonné aux stades ou aux pubs les jours de match, le maillot de football s’invite dorénavant partout sans que cela ne choque plus personne – à l’image du sport en lui-même, qui fait les gros titres de l’actualité internationale et l’objet d’interminables débats entre spécialistes ou d’articles signés d’universitaires qui se plaisent à réfléchir sur la portée sociologique, économique et géopolitique de la discipline.
"Le fait que le football soit devenu un sport très populaire, apprécié et reconnu, on assume davantage de porter un maillot dans la rue", observe Vincent Mourgues, doctorant en histoire du sport. En gros, le ballon rond est devenu respectable et ses produits dérivés aussi.
Une aubaine aux yeux des clubs et de leurs équipementiers, qui savent que le merchandising peut constituer une manne financière non négligeable. Pour les équipes de la Ligue 1 française, la vente de produits dérivés représente généralement entre 8 % et 10 % du chiffre d’affaires annuel. Pour les écuries au rayonnement mondial comme le Real Madrid ou le FC Barcelone, c’est entre 20 % et 25 %. "Et pour Manchester United, qui a développé sa marque depuis une trentaine d’années, ça peut aller jusqu'à 30 %", rapporte Vincent Mourgues.
Des maillots haute couture
La tentation est donc grande de diversifier l’offre. Pour cela, il existe plusieurs leviers. Le premier consiste à jouer la fibre nostalgique des amoureux du football. "Chaque maillot raconte une histoire différente et me rappelle des souvenirs différents, s’enthousiasme Carlo, jeune Milanais qui possède plus de 300 pièces dont il aime raconter les spécificités sur le compte Instagram Magliofili. Quand je parcours ma collection, je vois des choses différentes qui me parlent de certaines époques, de certains joueurs, de certains événements historiques qui se sont produits."
L’engouement pour les maillots vintage, largement perceptible sur les réseaux sociaux, n’a donc pas échappé aux clubs qui rééditent régulièrement d’anciennes tuniques témoignant d’un passé glorieux, à l’instar de l’AS Saint-Étienne et de l’équipementier Le Coq Sportif qui ont commercialisé, en édition limitée, le maillot porté par les Verts lors de leur épopée européenne de 1976.
Autre stratégie, visant un public plus aisé : la commercialisation de maillots de plus haut standing. Ces dernières années, on ne compte plus les grands clubs européens ayant fait appel à de prestigieux noms de la haute couture pour redessiner des versions collector de leur maillot : le Paris-Saint-Germain qui fait appel au couturier Louis-Gabriel Nouchi, le Real Madrid au styliste Yohji Yamamoto, l’AC Milan à la maison Koché. Même les équipes peu réputées pour leur "bling bling" s’y mettent puisque, récemment, le discret Stade rennais s’est acoquiné avec Balenciaga. Une association qui ne doit cependant rien au hasard puisque les deux institutions partagent le même propriétaire : la famille Pinault.
Et un, et deux, et trois maillots !
Enfin, plus basiquement, les clubs n’hésitent plus à laisser libre cours à leur créativité marketing par l’entremise de ce qu’on appelle le troisième maillot. Il fut un temps pas si lointain où il existait un "maillot domicile" (arborant les couleurs iconiques du club) et un "maillot extérieur" (avec les mêmes couleurs mais inversées). Simple, mais limité lorsqu’il s’agit de garnir les rayons des boutiques de sport. "Avec le troisième maillot, les équipementiers ont carte blanche, ou presque, pour chercher à conquérir de nouveaux public", explique Vincent Mourgues.
Aussi ces dernières années a-t-on pu voir Manchester jouer en noir, le PSG en rose ou les Girondins de Bordeaux… en jaune moutarde. Seulement, les fans n’aiment pas trop qu’on touche aux couleurs de leur équipe favorite. Et le font parfois savoir en lançant des pétitions réclamant le retrait des maillots controversés. Bien souvent, sans résultat.
L’important, finalement, c’est que ces maillots existent, soient portés, montrés et, avec un peu de chance, finissent par attirer l’attention d’un·e influenceur·se mode aux milliers d’abonné·es sur Instagram ou TikTok. "Une de mes collègues m’a dit qu’elle porte maintenant des maillots de foot parce que c’est tendance. Et elle n’y connaît rien au football, rapporte Carlo. Mais c’est de cela qu’il s’agit : de la diffusion d’un style qui va au-delà de l’amour pour le football. Et je trouve ça beau parce que le foot sort de son domaine pour atteindre d’autres disciplines, d’autres passions."
On n’a pas le même maillot mais on a (presque) la même passion
Mais là encore, en bon gardiens du temple footballistique, certains fans voient dans cette surproduction un dévoiement supplémentaire des valeurs du ballon rond. Afin d’exprimer leur désapprobation du merchandising à tout crin tout en affirmant leur amour du football, des supporters peuvent montrer "leur volonté de se distinguer d'une culture football récente, avec des clubs qui se sont développés récemment, en faisant le choix de maillot de clubs underground. On montre qu'on est connaisseur de football plutôt que juste consommateur récent", estime Vincent Mourgues. Une contestation à bas bruit qu’incarne le chanteur Manu Chao qui, lors de ses concerts, porte irrémédiablement le maillot d’un club d’Amérique latine.
Car le maillot de foot peut aussi devenir un objet politique. En 2017, le député de La France insoumise François Ruffin en avait revêtu un à l’Assemblée nationale pour défendre une proposition de loi sur le financement du sport amateur. Résultat : l’élu de la Somme avait écopé d’une amende de plus de 1 300 euros pour avoir enfreint le strict "dress code" en vigueur dans l’Hémicycle.
La tunique du footballeur n’a donc pas encore droit de cité partout. Malgré sa banalisation dans l’espace public, il existe encore des digues non franchies. On imagine mal par exemple pouvoir se rendre aujourd’hui à un entretien d’embauche avec un maillot du PSG. Surtout si on postule pour un emploi à Marseille.
Author: Jessica Poole DVM
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